Concepteur français de pâtes de métal et de fours haute température

La cuisson des pâtes de cuivre et bronze : état de la question en 2012

1 – Le principe du frittage

Les pâtes de métaux reposent sur la technique du frittage. Ce procédé consiste à réaliser à froid une forme par agglomération de particules (minérales ou métalliques) puis à les lier sous l’effet de la chaleur. L’exemple le plus connu est le frittage de particules argileuses qui donne une terre-cuite.

Dans l’industrie, la mise en forme des objets métalliques frittés se fait par compression dans des moules. Une pression de plusieurs milliers de bars permet de manipuler les objets ainsi formés et donc de se passer de liant. Ces pressions nécessitent malheureusement des équipements extrêmement coûteux.

En 1990, pour rendre ce procédé accessible à tous, des ingénieurs japonais ont développé un nouveau procédé de mise en forme par modelage. Pour ce faire, un liant a été ajouté à la poudre métallique. La pâte de métal était née.

Dans un premier temps, seuls l’argent et l’or étaient utilisés. En effet, le liant contenu dans la pâte a besoin d’oxygène pour brûler, excluant les métaux cuivreux qui se corrodent rapidement en présence d’oxygène. En 2008, un ingénieur américain, Bill Struve, proposa un  nouveau mode de cuisson dans du charbon actif, rendant possible la cuisson des pâtes de cuivre et de bronze.

Le brûlage du liant, appelé déliantage, est indispensable à la réussite du frittage. La phase de déliantage a pour but de transformer le liant en gaz carbonique, par combustion avec l’oxygène. Si la combustion n’a pas lieu, il restera du carbone dans l’objet. La présence de carbone résiduel peut réduire la solidité de l’objet de façon considérable.

Pour une parfaite combustion du liant, il faut que trois éléments soient réunis : un combustible (le liant), un comburant (l’oxygène de l’air) et une source de chaleur. Ces conditions vont entraîner également l’oxydation du métal. Inévitablement, une fois le liant brûlé, l’objet deviendra noir. Cette couleur est celle de l’oxyde de cuivre de formule CuO. Tout comme pour le carbone, les oxydes métalliques sont un obstacle au frittage. La cuisson à haute température, dans du charbon, va permettre de l’éliminer.

Le passage du métal oxydé au métal désoxydé est appelé réduction. Cette réduction nécessite une haute température et une atmosphère dite réductrice. L’introduction de charbon dans le four permet de réaliser une combustion qui dégagera du monoxyde de carbone, un gaz très réducteur qui va immédiatement se transformer en dioxyde de carbone (CO2) en prélevant de l’oxygène dans l’oxyde métallique.

La réduction des oxydes métalliques est d’autant plus rapide que la température est élevée. L’utilisation d’un conteneur en acier inoxydable permet de piéger le monoxyde dans le fond du récipient. En effet, ce gaz est plus lourd que l’air. Il faut éviter de mettre un couvercle étanche au-dessus du conteneur, car la combustion du charbon n’aura pas lieu si l’oxygène vient à manquer. Sans combustion, il ne se formera pas de monoxyde de carbone.

Dans le cas du procédé industriel de frittage de poudre par compression, il n’y a pas de phase de déliantage et donc pas d’oxydation. Pour ce type de frittage, il suffit d’éviter toute arrivée d’oxygène jusqu’à la fin de la cuisson. Cette protection se fait par cuisson sous vide ou en injectant un gaz neutre. Au contraire, la cuisson de la pâte de métal nécessite une atmosphère réductrice.

2 – Première phase : le brûlage du liant à basse température

Le déliantage, doit être mené sur des objets parfaitement secs. Le séchage doit se faire de manière lente et homogène pour limiter la déformation et la fissuration des objets. Etant donné que le processus de déshydratation de la pâte occasionne un retrait de 5 à 10% environ, il faut absolument que le support accompagne ce retrait. Les tissus polaires ou microfibreux sont très adaptés. Une couche de tissu polaire peut également être placée sur l’objet pour ralentir le séchage.

Si le brûlage du liant est réalisé sur des objets humides, la vapeur d’eau va causer des boursouflures. Ce défaut peut également se produire sur objet sec si la phase de déliantage est trop courte. Dans ce cas, c’est le gaz généré par la combustion trop violente du liant qui fait gonfler l’objet.

Déliantage au four domestique :

Les fours électriques domestiques constituent la solution idéale pour le déliantage des petites pièces. Le four doit être en position grill, thermostat à fond (280°C), pendant 15 minutes. Comme les grilles des fours présentent des barreaux assez espacés, il faudra déposer une grille à mailles fines par dessus pour que les objets ne tombent pas. On trouve se genre de grille en grande surface sous le nom de « couvercle anti-projection » (retirer le manche). Pour obtenir la plus forte chaleur, il faudra placer la grille le plus haut possible à proximité de la résistance « grill ».

Si l’objet est très épais (au delà de 4 cm d’épaisseur par exemple), il sera sans doute nécessaire de délianter l’objet dans un four haute température. Ne pas dépasser les 500°C. Evitez autant que possible les déliantages au four haute température pour les petites pièces : le liant a besoin de beaucoup d’oxygène, et les fours haute température sont fortement isolés de l’air extérieur (source d’oxygène).

Déliantage au gaz :

En présentant l’objet à délianter au-dessus de la flamme bleue d’un brûleur à gaz, il est possible de faire varier la température en écartant ou rapprochant l’objet de la source de chaleur. Idéalement, l’objet sera posé sur une fine grille en acier inoxydable pour permettre l’arrivée d’oxygène aussi bien au-dessus qu’en dessous de l’objet. Par exemple, il est possible d’utiliser des « couvercles anti-projections » décrits plus hauts.

Avec un petit brûleur, commencer la chauffe à 15 cm de la flamme, puis rapprocher la grille progressivement jusqu’à une hauteur de 10 cm. Au bout d’une minute ou deux, l’objet va prendre une teinte rousse, puis brun foncé. A ce stade, il ne s’agit pas encore d’une combustion mais d’une carbonisation : le liant se transforme rapidement en carbone pur, d’où la teinte sombre. Cette phase s’accompagne systématiquement d’un léger dégagement de fumée blanche. Bien que ces fumées ne soient pas toxiques, la présence d’une hotte aspirante au-dessus de la zone de chauffe sera bienvenue. La carbonisation s’achève lorsque l’objet a atteint la température de 300°C. La combustion du carbone se produit immédiatement après la carbonisation. L’objet peut s’enflammer si la température est trop importante. Dans ce cas, soufflez la flamme est soulevez légèrement la grille. La combustion va débuter au niveau des bords de l’objet puis progresser lentement dans tout l’objet. Plus l’indice de conductivité thermique du métal sera haute, plus le déliantage sera rapide. L’argent se déliante en 1 à 2 secondes après ignition. Vient ensuite le cuivre, le bronze doré, et enfin le bronze blanc, dont le déliantage progresse à moins d’1mm/s. Il s’agit d’une réaction fortement exothermique, c’est-à-dire qu’il se produit un important dégagement de chaleur. Cette chaleur est suffisante pour porter l’objet au rouge pendant quelques secondes. Il faut profiter de cette montée brutale de température et l’amplifier en rapprochant encore l’objet de la flamme. Il est impératif que l’objet soit porté intégralement au rouge pendant 10 à 30 secondes, pour laisser le temps au carbone de brûler.

Après déliantage (au gaz ou au four), si la température n’a pas été atteinte, les objets prendront des tons verdâtres. Cette couleur verte provient du carbonate de cuivre. Comme ce carbonate se dégrade après 300°C, il constitue un excellent indicateur de chaleur. Il faut absolument obtenir une teinte marron foncé uniforme, presque noire, signe que la température de 300°C a été dépassée. Il est heureusement possible de relancer le déliantage (en chauffant plus fort !). Il faut garder à l’esprit qu’un objet délianté, même partiellement, est très fragile : manipulez donc vos objets avec précaution et évitez les chocs thermiques !

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, la présence de carbone (liant résiduel) est plus grave que la présence d’oxyde. En effet, la deuxième phase de cuisson n’apportera pas les conditions nécessaires à la combustion de ce carbone, alors que l’oxyde sera facilement réduit. Un déliantage insuffisant aura donc des conséquences beaucoup plus néfastes qu’un déliantage trop poussé.

3 – Deuxième phase : la cuisson à haute température

Le charbon le plus adapté pour la cuisson est le charbon de bois pour barbecue. Sa combustion démarre dès que le four atteint 300°C, alors que le charbon actif ne commence à brûler qu’à partir de 600°C. La combustion du charbon pour barbecue est également plus intense et génère davantage de gaz réducteur.

Il est déconseillé de réutiliser le charbon d’une cuisson précédente, même si ce dernier est encore bien noir. En effet, la cuisson à haute température va augmenter considérablement le point d’auto inflammation du charbon. C’est d’ailleurs pour cette raison que le charbon actif possède un point d’auto inflammation élevé : le processus d’activation se fait à haute température.

Le charbon pour barbecue étant toujours vendu en morceaux de grande taille, il est nécessaire de les broyer. La taille des particules de charbon n’est pas très importante. Il n’est pas nécessaire de réduire tout le charbon en poudre : des grains de 1 mm à 1 cm donnent aussi d’excellents résultats. Le fond du conteneur doit être recouvert d’une fine couche de charbon avant de placer les objets.

A l’issue de la cuisson, il se produit un retrait occasionné par le rapprochement des particules et le comblement des vides par le métal. Plus la température maximale atteinte se rapproche du point de fusion du métal, plus le retrait est important. Ce retrait peut atteindre 25%. Au-delà, la forme de l’objet commencera par être affectée par des déformations ou des bulles. La température de cuisson du  bronze blanc est de 750°C. Pour le bronze doré, elle est d’environ 830°C et pour le cuivre, elle est de 950°C. Pour une solidité optimale, il faut tenter de se rapprocher de ces valeurs. Avant de cuire une pièce complexe, il est fortement recommandé de réaliser au préalable des tests de cuisson avec des pièces-tests de 1g.

Pour les objets de bronze blanc et dans une moindre mesure pour les objets de bronze doré et de cuivre, il peut se produire pendant la cuisson une corrosion ponctuelle appelée piqûre de carburation. Il s’agit d’une réaction entre le carbone avec le métal. Pour éviter ce défaut, une méthode très efficace consiste à isoler les objets du contact direct avec le charbon par une fine couche de sable (au-dessus et en dessous de l’objet).

Le temps de cuisson dépend de la puissance des fours. Il n’est pas nécessaire de ralentir la montée en température ni de maintenir la température. Pour une répartition plus homogène de la température, il est très utile de placer 3 ou 4 pieds sous le conteneur.

4 – Troisième phase : le défournement

Quand la cuisson est achevée, il est possible de laisser l’objet refroidir dans le four. Pour accélérer le refroidissement, le défournement à chaud est possible. Déposez votre conteneur sur un vieux plateau métallique (le métal résistera au choc thermique). Un bol en inox retourné par-dessus le conteneur incandescent accélèrera le refroidissement et stoppera la combustion par étouffement. Le refroidissement à l’eau froide est à éviter : il peut entraîner la cassure de l’objet sous l’effet du choc thermique.

Après refroidissement, les objets ressortent systématiquement avec une surface mate. Pour obtenir une surface brillante, il est nécessaire d’utiliser une brosse métallique ou des papiers abrasifs. Si le refroidissement est trop prolongé, il se produira une fine couche d’oxydation en surface. Celle-ci pourra être retirée facilement par brossage. L’acide phosphorique peut également être utilisé pour retirer l’oxydation superficielle.

En cas de déformation, le martelage du métal a froid est possible pour le cuivre, délicat pour le bronze doré et impossible pour le bronze blanc. Le bronze blanc pourra néanmoins être déformé à chaud, à une température supérieure ou égale à 600°C.

Pour visionner un tutoriel vidéo du processus complet de fabrication d’un objet en pâte de métal, cliquez sur le lien ci-dessous :

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